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Georges Brassens Frachet

2 août 2022

Brassens et Verlaine Colombine

Georges Brassens a parfois mis en musique des poèmes de ses poètes préférés. [1] Il en est ainsi par exemple de Victor Hugo (Gastibelza et La légende de la nonne), Francis Jammes (La prière) ou Jean Richepin (Philistins et Les oiseaux de passage) [2] et des textes de son ami Paul Fort ou le poème intitulé Les Passantes d'Antoine Pol.

                        
Colombine et Arlequin          Idem par Degas                Colombine et Pierrot

La structure métrique du poème de Paul Verlaine, reprise par Brassens, se compose d'une alternance régulière de vers de 5, 5 et 2 syllabes.  (solution que Brassens reprendra dans sa chanson Le vin)

Se pose aussi ici la question centrale de savoir comment adapter un poème à une chanson, pour faire coller paroles et musique, ce qui n’est évidemment pas la préoccupation du poète. On peut retrouver ce problème dans un autre poème mis en musique par Brassens, La prière de Francis Jammes. Il s’agit ici plus précisément d'une technique quelque peu différente : un intermède musical remplace le texte de Verlaine, sans doute parce que le format d’une chanson est le plus souvent plus court qu’un poème.

                            
Portraits de Léandre et Cassandre                                   Personnages masqués

De la même façon que Brassens coupe la dernière strophe du poème d'Aragon Il n'y a pas d'amour heureux, il a préféré dans Colombine supprimer la partie de l’image de la course des différents personnages, pour se concentrer sur les proches de Colombine, dans une relation galante entre elle-même et ses soupirants Léandre, Pierrot, cassandre, Arlequin
Ce n’est pas pour rien que le recueil de Verlaine qui contient ce poème s’intitule Fêtes galantes.

                  
Verlaine Fêtes galantes                    Watteau Fêtes galantes

C  O  L  O  M  B  I  N  E

Léandre le sot,
Pierrot qui d’un saut
        De puce
Franchit le buisson,
Cassandre sous son
        Capuce, [3]

[Personnages de la Commedia dell'arte]
Soubrette hardie et insolente, vêtue de blanc, Colombine est tour à tour maîtresse et femme d'Arlequin (ou Pierrot). souvent courtisée par des vieillards amoureux comme Cassandre ou comme Léandre, espèce de bellâtre vaniteux, tous deux souvent dupes d'Arlequin et de Pierrot.

Jeune valet candide, Pierrot (qui joue sans masque) doit souvent supporter les facéties d'autres personnages. Arlequin, comme Polichinelle, est un valet, en général meneur de l'intrigue, rusé, spirituel et railleur. Il appararît avec un costume fait de pièces colorées, son masque noir, sa voix de fausset et son pas trépidant.

Arlequin aussi,
Cet aigrefin si [4]
      Fantasque
Aux costumes fous,
Ses yeux luisants sous
     Son masque,

[Modification : Verlaine écrit "son masque" et Brassens "le masque", faisant ainsi ressortir non le masque mais plutôt les yeux]
[Chez Brassens, le premier vers de chaque strophe est chanté sur ces notes sauf le vers "do mi sol mi fa"]

Do, mi, sol, mi, fa,
Tout ce monde va,
      Rit, chante
Et danse devant
Une belle enfant
      Méchante [5]

[La mise en musique ne permet pas d’établir une liaison entre "et danse" et "tout ce monde", pouvant laisser penser que c'est Colombine qui danse]

Dont les yeux pervers
Comme les yeux verts
      Des chattes
Gardent ses appas
Et disent : « A bas
   Les pattes ! » [6]

[Les yeux verts des chattes : voir sa chanson "Putain de toi"]
[Appas, charmes féminins et non appâts dont on se sert pour attirer les poissons]

Eux ils vont toujours !

Fatidique cours
      Des astres,
Oh ! dis-moi vers quels
Mornes ou cruels
      Désastres

L’implacable enfant,
Preste et relevant
      Ses jupes,  [7]
La rose au chapeau,
Conduit son troupeau
      De dupes ? [8]

        

Notes et références
[1] Pour une info complète sur ce sujet, voir Brassens chante les poètes --
[2] Voir par exemple Brassens et Richepin --
[3] Capuce : De l'italien cappucio = cape, capuchon. (cf le capucin qui est un moine portant capuche)
[4] Aigrefin : Pourrait venir de "agrifer", saisir à l’aide de griffes. (cf "escroc")
[5] Derrière la frivolité de façade se profile le jeu ambigu et même pervers de Colombine
[6] Toujours le jeu manipulatoire, malsain de Colombine qui les aguiche tout en dissuadant une relation plus poussée  
[7] On ne sait trop si Colombine relève ses jupes pour cheminer plus à l’aise ou pour faire la coquette et faire découvrir chevilles et mollets. Espèce de Vénus qui rappelle Saturne ou d’autres chansons de Brassens.
[8] Forme interrogative laissant ouverte toute conclusion

Voir aussi mes fiches
Document utilisé pour la rédaction de l’article  Le jardin de Brassens -- Brassens à Sète --
Document utilisé pour la rédaction de l’article  Brassens, album n°4 -- Témoignages des amis --
Document utilisé pour la rédaction de l’article Brassens André Larue -- Poèmes et textes --

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<< Christian Broussas
Brassens et Verlaine  © CJB  °°° 02/08/2022  >>
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2 mai 2021

Georges Brassens Premières chansons

Référence : Georges Brassens, Premières chansons 1942-1949, éditions du Cherche-Midi, 192 pages, première édition 2016, prologue de Gabriel Garcia Màrquez, établie et annotée par Jean-Paul Liégeois, réédition avril 2021

                                                             HOMMAGE
Cette réédition des Premières chansons de Georges Brassens, est parue en avril 2021 pour saluer le centenaire de sa naissance qui sera l'occasion de plusieurs célébrations autour du 22 octobre 2021. Cette présentation me donne à mon tour l'occasion de lui rendre l'hommage qu'il mérite.

Brassens à Sète en 1979

Dans chacune de ses premières chansons, on rencontre déjà chez Brassens un « instinct poétique ». Gabriel García Marquez

Des chansons inédites de Georges Brassens, celles qu'il n'a ni enregistrées ni chantées sur scène. Avec un CD offert : 6 chansons inédites interprétées par Yves Uzureau, tel est le contenu de ce livre sur ces inédits qui nous livrent les thèmes chers à Brassens, qu'il reprendra ensuite sous une forme plus accomplie.

            
Premières chansons version 2016 et version 2021

Quand il a commencé à chanter dans le cabaret de Patachou le 26 janvier 1952, Georges Brassens écrivait des chansons depuis pas mal de temps. Depuis ses 17 ans en 1938, il taquine la muse, sans doute en dilettante au départ puis cette actitivité a pris de plus en plus d'importance au point qu'en 1942, pour se protéger, il est entré à la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), y étant reçu comme parolier. [1]

Entre 1942 et 1949, après les avoir " mises au propre " dans des cahiers à carreaux, il a déposé à la Sacem soixante-huit chansons, réunis dans ce recueil intitulé simplement Premières chansons et publiés dans l'ordre où Brassens les a recopiés de sa main.

               

S'il interpréta seulement quatre de ces textes ( Maman, Papa ; Le bricoleur ; Les amoureux des  bancs publics et J'ai rendez-vous avec vous), Georges Brassens n'a jamais enregistré en studio ni chanté en public les soixante-quatre autres dont on peut par exemple citer Personne ne saura jamais, Le bon Dieu est swing, Souviens-toi du beau rêve ou Je pleure...

De ces quatre chansons, il a surtout et enregistré les deux dernières qu'on peut trouver sur son album n°2 et deviendront des succès, les deux premières ayant juste été chantées par Patachou pour Le bricoleur et en duo Patachou-Brassens pour Maman, papa.

                   

Il nous reste ainsi ces soixante-quatre textes restés inédits certes [2] mais qui lui fourniront des thèmes à développer autrement ou même des vers dont il se reservira. C'est aussi leur intérêt que de nous fournir des bases pour mieux cerner les thèmes chers à Brassens qu'il reprendra à différentes reprises dans ses chansons.

On peut diviser ces années en 3 périodes :
- En 1942-début 1943 : des chansons sentimentales, plutôt fleur bleue d'un jeune compositeur qui cherche son style comme cet hommage à une dénommée Lydia : « Qu’est-elle devenue / La charmante inconnue / D’un soir de carnaval ? / Tout ce que je sais d’elle / C’est qu’elle était la plus belle / De tout le bal. »

- Entre mars 1943 et mars 1944, pendant le STO à Basdorf en Allemagne où il écrit plus de chansons nostalgiques comme dans cet exemple « Dans un camp sous la lune endormi / Il y avait quatre amis d’infortune / Qui parlaient de la blonde et de la brune / Dans un camp sous la lune endormi. », et peaufine sa production précédente avec deux chansons phare, Maman, papa et Pauvre Martin.

- De son retour à 1949 :
Il trouve enfin son style, publiant entre autres J'ai rendez-vous avec vous et Les amoureux des bancs publics

           
Yves Uzureau                                       Brel et Brassens

À cette époque, Brassens collaborait au journal  Le libertaire, sous le pseudo de Géo Cédille parce que, paraît-il, il faisait la chasse aux fautes d’orthographe. On peut retrouver ainsi à travers ses articles, certains thèmes récurrents de ses futures chansons. D’abord contre les flics bien sûr, écrivant par exemple « Les policiers tirent en l'air, mais les balles fauchent le peuple. »

Son côté subversif émerge aussi, qu’on allait rapidement découvrir avec ses premiers succès comme "Le Gorille" ou "La mauvaise réputation", dont certains furent  interdits d'antenne à la radio . Il écrira à ce propos : « L'anarchisme est pour moi  une philosophie et une morale dont je me rapproche le plus possible dans la vie de tous les jours…  La révolte n'est pas suffisante... »

                    
     Brassens et Jeanne                                                       Brassens à 17 ans

Notes et références
[1] Petite biographie en images --
[2] Certaines de ces chansons ont déjà été chantées, en particulier par son ami René Iskin pour "À l’auberge du bon Dieu, Un camp sous la lune et Loin des yeux, loin du cœur", du disque Retour à Basdorf, Iskin chante les inédits de Georges Brassens publié en 2003 par les Éditions spéciales.
D'autres chansons comme "À l’auberge du bon Dieu, Quand tu m’auras quitté, Le passé m’échappe, Pensez à moi, Quand j’ai rencontré celle que j’aime, Son cœur au diable et Oui et non" furent aussi interprétées par Bertrand Belin, François Morel et Olivier Daviaud en 2011 à l'occasion de l’exposition "Brassens ou la liberté".

Voir aussi mes fiches :
 Henri Bouy, Un Brassens méconnu -- Brassens Le libertaire de la chanson --
 Marc Wilmet Brassens libertaire -- René Iskin Basdorf --
 Brassens, côté écrivain --

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<< Ch. Broussas, Brassens 1ères chansons 25/04/2021 © • cjb • © >
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19 mai 2018

Le jardin de Georges Brassens

Sur l’autoroute : Le jardin de Georges Brassens

           

Sur l’autoroute A9, sur l’aire de repos au niveau de Sète, un peu avant Montpellier, on peut découvrir un petit parcours créé en hommage à l’enfant du pays, le sétois Georges Brassens. Pièces maîtresses du parcours : deux stèles où on le voit avec ses attributs caractéristiques : sa pipe, sa moustache et sa guitare.

               
Georges Brassens auteur, compositeur, poète, chanteur et guitariste (1921-1981)

À ses pieds, une valise et surtout l’un de ses chats préférés, lui l’amoureux, pas seulement des bancs publics, mais aussi des félins, appétence qu’il dut prendre chez Jeanne, l’amoureuse des animaux où les félins se promenaient en toute liberté dans l’impasse Florimont et grimpaient sur les genoux de Georges.

        

Sur un encart, se détachant sur un fond rouge, on peut lire ce texte :
« Les chansons, l’amour, le langage, l’amitié sincère et généreuse, la littérature et… les pâtes à l’italienne faisaient son bonheur. Drôle ou grave, critique, irrévérencieux parfois, il croquait la société, la vie, la mort et l’amour en phrases ciselées, en mots choisis avec une précision d’horloger.
Il était entier, non conformiste… libre.

Là, si le cœur vous en dit, faites un petit tour dans son univers, relaxez-vous, lisez, jouez à la pétanque ou allongez-vous… et chantonnez.
Et s’il vous reste un peu de temps, ou demain ou une autre fois, vous pouvez pousser jusqu’à Sète à l’Espace Georges Brassens 67 boulevard Camille Blanc, pour une jolie balade dans sa vie e son œuvre, en écoutant ses mots, sa musique et sa voix. »

        
         Gare au gorille !

Autour de ce visage dressé sur l’horizon, sont réunis quelques références à ses chansons, le texte de certaines d’entre elles, des figurines illustrant des chansons, évoquant par exemple des chansons connues comme La mauvaise réputation, Les amoureux des bancs publics, Les trompettes de la renommée, La non demande en mariage ou d’autres bien moins connues comme Le mécréant, Les amours d’antan, La première fille, La princesse et le croque-notes, La ballade des gens qui sont nés quelque part

           
Exemples de textes : Les trompettes de la renommée, Le mécréant…

Le choix retenu donne une idée de la richesse de la palette de son répertoire, mélangeant chansons anciennes (La mauvaise réputation), un peu plus récentes (Les amours d’antan) ou   beaucoup plus récentes (La ballade des gens qui sont nés quelque part).

Voir aussi
* Brassens et Louis Nucéra -- Brassens à Sète --
* Le jardin de Charles Trénet  --

<<< Christian Broussas - GB Jardin, 19 mai 2018 - <<© • cjb • © >>> 
10 février 2018

Henri Bouyé Un Brassens méconnu

Brassens libertaire : témoignage d’Henri Bouyé (extraits)

J’étais alors secrétaire général de la Fédération anarchiste et co-responsable à la rédaction du journal Le Libertaire. Au début de l’été 1946, je vis arriver un grand gaillard moustachu, un tantinet débraillé, chevelure abondante et négligée, qui me gratifia d’un grand sourire en me disant : « C’est toi Bouyé ? Je viens du siège du Libertaire (145, Quai de Valmy) pour un entretien au sujet d’un article, et tes copains, après m’avoir donné ton adresse, m’ont dit : « pour ça va voir Bouyé ».  Il poursuivit ainsi : « Dis donc, c’est formidable que vous ayez eu le culot de publier mon article. Je vous l’ai envoyé, mais sans grand espoir qu’il soit imprimé, vu son contenu vachement anti-flic. Vous, au moins les anarchistes, vous ne vous dégonflez pas ! »

          

Son engagement militant

Entre nous, le courant était bien passé et il accepta l’idée d’une collaboration à la rédaction du journal. C’est ainsi que nous en vînmes à nous voir presque quotidiennement. Il devint d’ailleurs membre, puis secrétaire du groupe anarchiste de Paris XVe, où il rencontra notre ami Armand Robin, forte personnalité qu’il amena chez moi.

Brassens vivait alors une « période de flânerie ». Faute de pouvoir se payer un billet de métro, il faisait souvent à pied le chemin pour venir me voir avenue de la République, lui venant de l’impasse Florimont (Paris XVe) où il habitait avec Jeanne et son mari. S’il venait dans la matinée, il déjeunait avec nous, sa conversation et son sens de l’humour y étant fort appréciés. Il me fit aimer le cinéma et lui m’accompagnait fréquemment aux concerts (Pasdeloup, Champs Elysées, Châtelet, etc.) du samedi soir ou du dimanche après-midi.

                   
VictorLaville, Henry Delpont et Brassens en 1942              Avec Émile Miramont

Lecteur infatigable et exigeant, amoureux des textes bien écrits, il se destinait à la littérature – ce dont il m’entretînt souvent. Georges appréciait peu le travail manuel ou simplement contraignant. Quand il put entrer comme employé dans un bureau de perception, vite rebuté par un travail qu’il trouvait stupide, au bout de trois jours il renonça. Et la brave Jeanne de lui dire : « Ça fait rien, t’inquiète pas pour si peu. Moi je savais bien que tu ne tiendrais pas, tu n’es pas fait pour ça. » (Et comme elle avait raison !…) Il avait écrit – et écrivait – des poèmes, complété par des airs qui se mariaient fort bien avec ses textes, bien qu’il ne composât aucune partition ni de musique écrite.

Ses poèmes, il les concevait aussi bien comme une façon d’exprimer sa perception des choses et des êtres que comme une solution pour gagner sa vie –ne fût-ce que modestement– pour lui laisser du temps pour écrire et se consacrer en priorité à la littérature. Pour cela, il s’appliquait à se perfectionner dans le maniement de la langue française, et j’ai encore des livres, annotés par lui, d’auteurs qu’il affectionnait en premier lieu pour la perfection de leur écriture. Ce que ses biographes n’ont guère mentionné.

               
                                                  Brassens et Brel         Brassens et l'ami H Delpont à Sète

Un succès mérité

À cette époque, Jacques Grello, vieille connaissance et chansonnier libertaire plein d’esprit, de finesse et de gentillesse, venait souvent me voir (il habitait rue des Bleuets, tout près de mon travail). Je lui parlais de l’ami Brassens, des difficultés que malgré ses mérites et les espoirs basées sur son savoir et ses capacités, il avait du mal à percer, à se faire connaître. Rendez-vous fut pris entre nous trois.

Après lecture et audition de plusieurs de ses poèmes, Grello, enthousiaste, lui prêta sa guitare pour qu’il se perfectionne et s’accompagne en public. Après un temps assez long d’insuccès malgré l’implication de Jacques Grello, un soir à Montmartre, il trouva une « rampe de lancement » au cabaret de Patachou, qui avait su déceler en lui un artiste promis à un grand avenir.

           

On sait la suite : succès grandissant et rapidement retentissant, répercuté et amplifié par les médias. Le lendemain de son premier passage à l’Olympia, le très sérieux Figaro, journal pourtant peu suspect de sympathie débordante pour les anarchistes, applaudissait à la poésie, au langage, et même au non-conformisme du « Troubadour anarchiste ».

Bien entendu, on se voyait alors beaucoup moins. Mais nous continuâmes quand même à nous  fréquemment. Lorsqu’il se produisait chez Patachou ? Il venait me voir sur mon lieu de travail, à l’angle des rues de l’École Polytechnique et Valette, à vélo car il voulait économiser le prix de son trajet quotidien en taxi – au tarif de nuit (car il travaillait de nuit).
Ensuite il venait me voir, quand je travaillais à mon tour la nuit, chez moi rue Hippolyte Maindron dans le XIVe, souvent avec Püppchen, jeune femme que je trouvais fort sympathique, discrète et timide.

Après son passage à l’Olympia, il avait plus d’aisance financière, ce que d’aucun en profitait, comme cette jeune fille qui, disait-elle, se trouvait dans un tel dénuement qu’elle parlait de suicide si elle ne trouvait pas rapidement trois mille francs. Georges, bonne pomme, s’exécuta… sans arrière-pensée libertine, au grand dam de Jeanne qui s’exclama : « À chaque fois, ça marche !… » À un sens profond de l’amitié s’ajoutait chez lui un cœur généreux et une grande sensibilité à la vue d’une détresse qui le rendait mal à l’aise. Il était passé par là et s’en souvenait.

Malgré réussite et succès, il était toujours le même, modeste et sensible. Sa fréquentation du monde de la scène et de l’écran dans le cadre de son activité professionnelle, n’avaient en rien entamé ce qu’il était vraiment.

Dans cet esprit et malgré les tentations inhérentes à ce milieu, il sut demeurer lui-même, sans jamais jouer l’« anar » avec ostentation. Il fit ainsi au milieu des anarchistes des débuts de carrière qui furent comme un prélude à une réussite bien méritée.

                    

Voir aussi
* L'article original du Monde libertaire --
* Mes articles sur le Brassens libertaire :
- Brassens, le libertaire de la chanson -- Bouyé, Un Brassens méconnu --
- Marc Wilmet, Brassens libertaire --
- J.-L. Garitte, Brassens, Mais où sont les mots d'antan ?, éditions Atlande, 759 pages, 11/2017

<<< Christian Broussas - Bouyé, 10 février 2018 - <<© • cjb • © >>> 
8 février 2018

Louis Nucéra, Mes rayons de soleil

Louis Nucéra, surtout connu pour avoir écrit Le Chemin de la lanterne qui lui valut le prix Interallié en 1981, a également écrit des livres sur ses deux grandes passions qui furent les chats et le cyclisme, ainsi qu'un livre de souvenirs sur la grande amitié qui le liait à Georges Brassens.

Louis Nucéra, niçois de naissance et amoureux de sa ville, y a très tôt exercé divers métiers avant de devenir journaliste et 'd'émigrer' à Paris en 1964 pour travailler comme directeur littéraire aux éditions Lattès. Ecrivain confirmé et couronné par l'Académie française, il a également été auteur de films télé.

      
Louis Nucéra, prix Interallié 1981, Grand prix de littérature de l'Académie française 1993

Le Chemin de la lanterne
Ce chemin, Louis Nucéra le parcourt avec son vieil oncle Antoine -Antonio Genaro- âgé de 88 ans- qu'il vient parfois voir à Nice parce qu'il n'a plus que lui et qu'il le berce de ses souvenirs, même s'ils sont souvent tristes de son grand amour disparu trop tôt et de la Grande Guerre dont il est revenu indemne, au moins physiquement.

Rose son grand amour disparu est bien loin maintenant, toujours aussi présente, cachée au fond de sa mémoire et l'auteur est plein de nostalgie pour ce passé où vit le vieil homme.

Louis Nucéra rencontre Georges Brassens quand il l'interview à la fin d'un récital en 1954. Le courant passera très vite entre eux, Brassens l'invite à dîner et c'est le début d'une grande amitié.
Pour lui, Brassens est un refuge, un havre de paix et il le considère comme un grand poète, ce que peu de gens reconnaissaient alors. Ce livre est bâti sur un ensemble d'entretiens réalisés en 1974 où Brassens se livre à des confidences qui marquent bien leur grande complicité, ainsi que par les textes que Louis Nucera a écrits sur Brassens jusqu'en 1995, donc quelques années avant sa mort accidentelle le 9 août 2000.

    Son livre sur l’ami brassens

Mes ports d'attache, 1994, réédition éditions Grasset, 2007
«  Les choses ont bigrement changé depuis les années où ma mère me tenait la main pour traverser l’avenue des Diables-Bleus. L’homme s’est promené sur la lune. Il greffe des cœurs, des hanches. Il s’expose au sida quand naguère quelques gonocoques se chargeaient d’effaroucher. On étale dans des livres ou sur des écrans ce que l’on osait confier à un calepin intime. On fait de la laideur et de la grossièreté des buts. On conchie la langue française. Moi aussi j’ai changé. Mes journées me paraissent galoper de plus en plus vite. Le regard des filles ne me prodigue plus aucune promesse. Je conçois que, sans hypocrisie, le monde ne serait plus vivable. Que voulez-vous ! Le coup de poing a quitté ma panoplie d’arguments. Les temps de l’école communale sont bien révolus. »

C’est à son grand-père que Louis Nucéra doit cette passion du vélo qui ne le quittera jamais plus, « je suis venu au monde à l’ombre d’une bicyclette suspendue entre ciel et terre" écrit-il dans son autobiographie. Ce niçois aime par-dessus tout parcourir les roues pentues de l’arrière-pays et un jour de 1985, décide de refaire l’étape du tour de France Cannes-Briançon. Rude étape de montagne que sa femme suit… au volant de leur voiture.

         La passion du vélo

Il prend la route jadis empruntée par Napoléon 1er lors de son retour triomphal de l’île d’Elbe. Il se sent bien et grimpe avec facilité malgré une chaussée rendue glissante par la pluie nocturne. « Le col de Valferrière me semble aisé à grimper ; j’ai la précaution de le franchir lentement comme marchent les montagnards qi savent doser leurs efforts. » De Castellane au col d’Allos il pédale ‘facile’, notant « est-ce un leurre ? Je progresse assez bien dans le village, le plus souvent assis sur la selle. » Mais après La Foux, l’orage éclate, « des cieux, de la roche, sur le bitume, l’eau tombe drue et dévale. La montagne gronde. Elle fait aussi peur que la mer par mauvais temps. » Il est tout heureux d’arriver sans encombre à Barcelonnette où avec sa femme Suzanne, ils font halte le lendemain.

Le jour suivant, il repart sous un ciel bleu net limpide « grimper Pra-Loup et La Cayolle jusqu’aux gorges de Paluel puis du Bachelard. » Il est aux anges et note, radieux : « La roue est large, la visibilité et le revêtement parfaits. Dans la descente de Pra-Loup, je m’en donne à cœur joie. » Le lendemain, « le col de Vars est tout sourire », c’est la fête à Guillestre et il gagne ensuite Briançon par les gorges du Guil. Á peine arrivé écrit-il, « je m’empresse d’aller rouler à Névache dont le vieux nom d’Annavasca atteste l’antériorité de la présence des Ligures sur celle des Gaulois en cette vallée. » Á l’issue de ses pérégrinations cyclistes, il note dans son autobiographie : « Nous sommes… un peu tristes que le beau rêve prenne fin. Peut-être les rejets sont-ils une composante du bonheur ? »

Sa majesté le chat, réédition L'Archipel en 2008
« La société est coupée en deux : les antichats, les prochats. Méfiez-vous de la première catégorie [...]. Soyez confiants envers les hommes de qualité qui peuplent la seconde. La bonté est leur lot. Leur credo est esthétique ; le style leur raison d'être. Aimer les chats, c'est être du bon côté une fois pour toutes. » Que ce soit sur la butte Montmartre ou dans son appartement niçois, Louis Nucéra fut, comme son ami Georges Brassens, un grand ami des chats et il confia patiemment à ses "carnets de notes d'un amoureux", ses réflexions de tous ordres, ses souvenirs de compagnonnage avec ses "greffiers" favoris, doux tyrans de toute sa vie. « Il est des beautés qui excèdent le vocabulaire. Les chats appartiennent à cet ordre. Je puis en juger puisque j'habite chez eux depuis qu'il m'a été donné de voir. »

  Louis Nucéra : la passion des chats

Bibliographie sommaire

  • "L'obstiné", 1970, préface de Joseph Kessel
  • "Les chats « Il n'y a pas de quoi fouetter un homme »", 1973, "Entre chien et chat, 1983, "Les Chats de Paris" avec Joseph Delteil et "Sa majesté le chat", 2001
  • "Parc national du Mercantour. Montagnes du soleil" , avec Christine Michiels et Bertrand Bodin, 1998 et "Le goût de Nice", avec Jacques Barozzi, 2008
  • "Le Chemin de la lanterne", éditions Grasset, mai 1981, prix Interallié

Mes fichiers :
* Sur Brassens : Brassens, délit d'amitié, préface de Bernard Morlino, Éditions De L'Archipel, 2001, 240 pages

* Louis Nucéra dans les Alpes du sud : "Mes rayons de soleil", éditions Grasset, 1987

<<< Christian Broussas - Feyzin, 4 novembre 2012 - <<© • cjb • © >>> 
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6 février 2018

Georges Brassens, Interviews

Georges Brassens s’est finalement peu exprimé sur ses idées ou sa façon d’appréhender la vie. Il pensait que s’exprimer en chansons était suffisant et que son statut de chanteur connu sinon de « vedette » ne lui donnait aucun droit particulier pour donner son point de vue sur tel ou tel sujet.

   
Georges et Jeanne         Georges et Püppchen

 S’il a parfois brocardé la gente féminine, ce fut plus par humour, évoquant parmi ses Amours d’antan quelque amour malheureux dans Putain de toi ou Une jolie fleur, titillant Püppchen dans La non demande en mariage,  reconnaissant ses indéniables qualités dans Rien à jeter.  Pour lui, parler de la femme en général n’a aucun sens. Ainsi, « ça dépend de la femme à laquelle tu as affaire, de sa nature, de son caractère ou des atomes crochus qu’on a avec elle […] une femme peut être emmerdante, une femme peut être charmante, ça dépend lesquelles. » [1]

Il tourne rabelaisien [2], avec une grande délectation, dans Hécatombe par exemple, nous présente avec une délectation non dissimulée la sulfureuse Mélanie et la fameuse Fernande.
De l’humour toujours quand il se moque du Nombril des femmes d’agents ou des flics dans La mauvaise réputation ou Brave Margot, qu’il leur assène un petit coup de griffes en passant, sachant aussi qu’il ne faut pas généraliser et qu’il en est de secourables comme dans L’épave.

De l’humour encore face à l’inéluctable, face à la maladie dans Le bulletin de santé et Les trompettes de la renommée ou face à la mort qu’il côtoie dans La ballade des cimetières, qu’il apprivoise dans Le boulevard du temps qui passe ou dans La supplique, cette « camarde qui ne m’a jamais pardonné d’avoir planté des fleurs dans les trous de son nez ».

Parfois un humour de potache marque certaines chansons, peut-être parce qu’il ne se voit pas vraiment comme adulte avec le mariage, les enfants, une carrière, des ambitions…
Ça tient aussi sans doute à son penchant pour l’anarchie, comme Léo Ferré ou l’ami Jacques Brel. Ah dit-il en évoquant le passé, « quand j’étais au mouvement anarchiste – j’y suis resté deux ou trois ans, je faisais Le Libertaire en 45-46-47, et je n’ai jamais complètement rompu avec, mais enfin je ne milite plus comme avant. »

Dans l’anarchie, il n’existe pas de véritable dogme... ni de jugement, approuver, désapprouver… « les gens font à peu près ce qu’ils veulent. » On est d’accord ou pas, c’est tout. Ce qui lui fait dire qu’il n’y peut pas grand-chose et qu’il  n’existe pas véritablement de solution collective… conception qu’il illustre dans sa chanson Don Juan où il chante « gloire à qui n'ayant pas d'idéal sacro-saint se borne à ne pas trop emmerder ses voisins ». Chanson très œcuménique où il rend hommage à l'humanisme d'un curé, d'une bonne soeur, d'un flic, d'un soldat et d'un écolo ! Dans quelle mesure comme le soutient Jean-Claude Lamy, peut-on le considérer comme "le mécréant de Dieu" ?

Se retrouver dans la célèbre collection  « Poètes d’aujourd’hui » de Seghers le laisse assez sceptique, « on n’est pas les seuls. Et puis ça ne veut pas dire grand-chose, cette façon de
compartimenter… »
Il ne se prend pas vraiment pour un poète, un peu sans doute dit-il,  « je mélange des paroles et de la musique, et puis je les chante ». La poésie, c’est autre chose, « elle est faite pour être lue ou dite. » Même si Ferré a réussi à mettre en musique Baudelaire par exemple, « quand on écrit pour l’oreille, on est quand même obligé d’employer un vocabulaire un peu différent, des mots qui accrochent l’oreille plus vite. » [3]
Le public aussi est devenu plus passif. Autrefois, les gens avaient des cahiers de chansons, « ils se les passaient et se les chantaient. »

Cet incorrigible individualiste n’était pas contre le travail d’équipe. Le film Porte des Lilas évoque-t-il, «  je l’ai fait avec des copains comme Brasseur, Bussières, ça marchait très bien. Ils ne me gênaient pas. Je ne les gênais pas… Malgré ça, il pense que « tu es toujours seul partout, tout le temps… » [1]

    

Il apprécie beaucoup la liberté que lui permet son métier, « on fait ce qu’on veut, en restant dans certaines limites, avec un peu de civilité… » Sa génération se lançait dans la chanson plus parce que ça lui plaisait que par attrait du lucre. Lui, même s’il ne plaisait plus au public, continuerait à chanter envers et malgré tout..

Sur cette vieillesse qu’il ne connaîtra pas, et sur la mort, n’empêche, reconnaît-il, « toute fin est pénible. Tout ce qui finit est triste. C’est rare que les choses finissent bien… C’est toujours triste de vieillir, de ne plus faire ce qu’on aimait ou ce qu’on savait faire. Et de prendre sa retraite, bien sûr c’est triste… » Pour ce qui concerne la mort, c’est ainsi, « en acceptant de vivre, j’ai accepté de mourir aussi. Alors… »
Alors, cette mort il essaie de l'apprivoiser à sa manière, parfois avec un humour tendre dans Le testament, où la vie malgré tout continue, parfois avec l'humour plus ironique de Grand-père, parfois avec une ironie plus mordante dans Trompe la mort.

      
Georges et son chat                                       La rue Brassens à Lézardrieux
[4]

Parler de l’avenir ne l’intéresse pas trop. Pour le reste, « faire des chansons, les chanter en public, et avoir le plaisir de voir que le public les accepte et les reçoive, c’est quand même pas mal. Il y a de quoi être content, oui. »
Pas fier, non, un homme simple comme dans sa chanson Le modeste, pas fier, simplement content, comme un artisan satisfait d’un travail bien fait.

Notes et références
[1] Propos recueillis par François-René Cristiani et Jean-Pierre Leloir
[2] Lors d’une interview en 1977, Brassens confiait : « J’ai été nourri très jeune de Rabelais […] À l’époque où j’ai écrit Le gorille je fréquentais assidûment Rabelais. Ceux qui me reprochent mes chansons gaillardes, je me demande s’ils connaissent Rabelais… quand on a lu Rabelais, qu’est-ce-qui peut choquer dans La mauvaise réputation ou le gorille ? »
[3] Brassens a aussi mis en musique des poèmes de Paul Fort, François Villon ou Victor Hugo...
[4] La rue (Georges Brassens maintenant) où est située "Kerflandry", sa maison de Lézardrieux près de paimpol (où était née Jeanne)

Voir aussi
* Mon fichier Biographies qui contient les présentations suivantes :
1 Georges Brassens, la marguerite et le chrysanthème (P. Berruer)
2 Georges Brassens, histoire d'une vie (Robine/Séchan) 3 Brassens, le livre du souvenir (Monestier/Barlatier) 4 Georges Brassens, biographie intime (D. Ichbiah) 5 Autres résumés : Brassens, au bois de son cœur, 30 ans de chansons (JP. Sermonte) + Georges Brassens (LJ. Calvet) + Georges Brassens, un copain d'abord (M. Zaragoza) + J'aurais pu virer malhonnête (B. Lonjon)

* Mon fichier Etudes & essais qui contient les présentation suivantes :
1 L'Univers symbolique de Georges Brassens (A. Tytgat) 2 Brassens par Brassens (L. Rochard) 3 Les Mots de Brassens (L. Rochard) 4 Brassens ... à la lettre (C. Radiguet) 5 Parlez-vous le Brassens ? (JL. Garitte)

* Accès à mon Site Georges Brassens --

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5 février 2018

Brassens, le regard de "Gibraltar", J Vassal

Référence: Jacques Vassal, Brassens : le regard de "Gibraltar", éditions Fayard / Chorus, 293 pages isbn 2-21-362813-0 

         
  Avec Onteniente "Gibraltar"

Depuis le temps qu'on l'attendait ce témoignage du meilleur connaisseur de Brassens, Pierre Onteniente, celui qui l'a suivi comme son ombre toute sa vie, depuis leur rencontre au camp de Basdorf, au bon temps du STO en Allemagne. Jacques Vassal qui a travaillé en étroite collaboration avec celui que Brassens avait surnommé "Gibraltar" parce qu'il était solide comme un roc et faisait face à toutes les situations nous révèle un Brassens au plus près de la réalité quotidienne à travers le regard de "Gibraltar".

C'est un Brassens familier qu'il nous présente, se déchargeant sans vergogne de tous les soucis pratiques sur son ami : répondre au courrier, au téléphone, faire les tournée, servir de chauffeur et de paravent pour préserver sa tranquillité. Toujours présent, toujours disponible. Georges est revenu depuis peu à paris, habite dans le 14ème et menacé de STO, ce qui ne lui plaît pas du tout; mais il obtempère. C'est ainsi qu'ils se sont connus. Ils se retrouvent à Paris à la fin de la guerre où Brassens bricole ses chansons et va souvent voir Gibraltar, l'attendre devant le bureau de poste où il travaille.

   
Avec Jeanne             Avec Püpchen sur la terrasse de Lézardrieux      "Kerflandry"

Les débuts de Brassens sont calamiteux : du Caveau de la République et au Lapin Agile, refus et bides. Puis, flanqué de "Gibraltar" et de deux potes sétois, ce sera la rencontre décisive avec avec Patachou, dans son cabaret de la Butte Montmartre. Alors, l'Olympia et Bobino pourront suivre. C'est l'époque de Jeannne et de Marcel dans l'impasse Florimont puis beaucoup plus tard la maison de rue Santos Dumont, la maison des "Copains d'abord". Mais, ultime regret, il arrivera trop tard pour fermer les yeux de son ami, décédé du côté de Montpellier chez le docteur Bousquet.

Les amis vont ses succédé dans cette galerie de portraits, Pierre Nicolas et sa contre-basse, son ombre sur scène, René Fallet le journaliste du Canard qui fera la première critique positive sur ses chansons et l'entraînera dans l'aventure du film "Porte des lilas" tiré d'un de ses romans, le "Grand Jacques", l'ami qui le soutint lors d'une énième crise de coliques néphrétiques et le visita en rentrant des Marquises peu avant sa mort et Lino Ventura si fin cuisinier... Les femmes aussi, "Jeanne", l'incontournable, celle qui l'a soutenu et nourri dans les mauvaises années, Püppchen la seule à partager son intimité. "Gibraltar" est toujours là qui veille à la mémoire de Georges comme il a veillé pendant 35 ans à sa tranquillité et à sa sérénité.

        
Gala "libertaire"                 Georges & Joha          Avec le couple Onteniente à Crespières

Bibliographie
*
René Iskin, Dans un camp, Basdorf 1943, Georges Brassens et moi avions 22 ans, éd. Didier Carpentier, novembre 2005, isbn 2-841-67365-0
* Jean-Claude Lamy, Brassens, le mécréant de Dieu, Éditions Albin Michel, 2004
*
Hervé Bréal, Brassens de A à Z, éd. Albin Michel, 2001, isbn 2-226-11117-4

Liens externes
*
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5 février 2018

Brassens, le mécréant de Dieu, JC Lamy

Référence: Jean-Claude Lamy, Brassens, le mécréant de Dieu, Éditions Albin Michel, 310 pages, isbn 2-226-15160-5, 2004

Jean-Claude Lamy nous propose un livre qui fourmille d'anecdotes sur Georges Brassens, de témoignages de ses amis, de ses proches, des discussions avec Roger Thérond en 1999 en passant par les derniers instants à Saint-Gély-du-Fesc près de Montpellier cher les Bousquet, veillé par Püpchen et Battista, quand il était 23 h 14 un certain 29 octobre 1981.

Un livre qui ne fait pas l'impasse sur les polémiques suscitées par certaines chansons comme "La Tondue" ou "Les deux oncles" par exemple dénonciation de la guerre qui lui a valu bien des inimitiés et provoquer certaines brouilles -heureusement temporaires- mais qui, par les discussions qu'elles ont provoquées, ont amené Brassens à réfléchir et à écrire "Mourir pour des idées"... ce qui n'arrangea rien.

       

La guerre, ce fut d'abord pour lui l'arrestation du frère de Jeanne et son exécution sordide à la prison de Fresnes puis son départ pour le STO, l'aventure de Basdorf, la privation de sa liberté, le pire qui puisse arriver à un libertaire comme lui, soucieux de préserver son indépendance.

"Brassens, c'est un anarchiste pour rire" disait en plaisantant son ami le poète Paul Fort, mettant à mal l'image réductrice d'un Brassens athée et rebelle. Rebelle sans doute quand il s'agissait de rester libre, de défendre cette liberté en refusant tout embrigadement, ce qui ne manqua d'occasionner d'autres polémiques, y compris avec l'ami Jean Ferrat qui n'admettant pas qu'à plus de deux, on soit déjà "une bande de cons", expériences différentes qui s'affrontaient alors à coup de chansons.

A Chaillot en 1966

Sur l'image d'un Brassens athée, Jean-Claude Lamy en donne une vision assez différente des poncifs habituels, celle d'un homme aux contradictions marquées, à la fois sauvage et affable, d'une amitié indéfectible, rebelle sans vouloir vraiment s'engager, antimilitariste fustigeant la guerre de 14-18 et d'une façon générale tous les "va-t'en-guerre", souvent anticlérical forcené dans ses chansons , même s'il y met parfois des bémols comme dans ses chansons "L'épave" ou "La messe au pendu", et assez respectueux de la religion dans la vie quotidienne, par exemple dans son amitié pour son ami d'enfance le père Barrès.

      

Il reste un fond de ferveur religieuse -qui lui vient sans doute de sa mère Elvira- pour celui qui chante par dérision "la messe sans le latin, ça nous emmerde", qui se place toujours dans la veine de ses devanciers François Villon et Francis Jammes dont il a mis en musique son "je vous salue Marie", qui montre bien tout l'embarras du poète partagé entre l'attraction du spiritualisme et la lutte contre le pouvoir séculier de l'Eglise. D'où le titre paradoxal que Jean-Claude Lamy a choisi de donner à son livre : "Brassens,le mécréant de Dieu".

Il reste alors le Brassens réservé de sa chanson "Le modeste" et le Brassens pudique au-delà des gros mots sous lesquels il cache sa pudeur -et qui n'étaient pas toujours du goût de Püpchen- l'homme aussi d'une rare générosité envers ses amis, envers tout ceux qu'il aimait -et même au-delà- tourmenté par une "angoisse métaphysique" jusqu'à la fin, qui explique sans doute sa complexe relation avec le spirituel.

  
Avec Raymonde Laville à Roucirol sur l'étang de Thau [1]

Informations complémentaires
[1] Il semble que Raymonde Laville (la femme de son ami Victor) ait servi de modèle à "la femme d'Hector"

Bibliographie
*
René Iskin, Dans un camp, Basdorf 1943, Georges Brassens et moi avions 22 ans, éd. Didier Carpentier, novembre 2005, isbn 2-841-67365-0
* Jean-Claude Lamy, Brassens, le mécréant de Dieu, Éditions Albin Michel, 2004
*
Hervé Bréal, Brassens de A à Z, éd. Albin Michel, 2001, isbn 2-226-11117-4

Liens externes
*
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5 février 2018

Éric Battista et Georges Brassens

Georges Brassens, Entretiens et souvenirs intimes

Georges Brassens, Entretiens et souvenirs intimes est un récit biographique d'Éric Battista retraçant, comme l'indique son titre, des entretiens et des souvenirs intimes témoins de sa longue amitié avec Georges Brassens.

Référence : Éric Battista, Georges Brassens, Entretiens et souvenirs intimes, éditions Équinoxe, Mémoire du sud, 2001, isbn 2-84135-310-9

   
Georges et Jeanne        Georges et Joha                   Georges et Jacqueline Bousquet

Ouvrage quelque peu déconcertant que ce livre de son ami Éric Battista dit "Le Sauteur" sur Brassens, fait de ces souvenirs intimes dont il est question dans le titre, d'une foule d'anecdotes présentées dans l'ordre chronologique, notées le plus souvent à la volée, à la va-vite dans le fil de la conversation ou à l'occasion de réflexions de l'ami Georges.

L'amitié des deux sétois est née un peu par hasard puisqu'ils n'étaient pas de la même génération, et n'en fut que plus solide et durable. Le livre couvre tous les lieux de prédilection de Brassens, ce quartier de paris qui court autour de l'impasse Florimont, son centre géographique, Sète bien sûr où ils sont nés, où ils se retrouvent régulièrement, Crespières où un temps Brassens s'était retiré de Paris, Lézardrieux à côté de Paimpol en Bretagne, le pays de Jeanne, et l'ultime escale chez le docteur Bousquet à Saint-Gély-du-Fesc dans la banlieue nord de Montpellier où Battista l'assista avec Püpchen jusqu'à la fin. L'ouvrage est complété par un commentaire sur les poèmes et les chansons posthumes de Brassens ainsi que par de nombreux manuscrits.

   
Brel, Ferré et Brassens                  Brassens et Ferrat

A travers les anecdotes qu'a patiemment notées Battista, on retrouve d'abord la famille, avec en tête ses parents Elvira et Jean-Louis Brassens, Joha Heiman l'amour de sa vie, sa soeur Simone Cazzani, le cousin Georges Granier et ceux de l'impasse Florimont, la terrible Jeannne Le Bonniec, "sa Jeanne", et Marcel Planche "l'auvergnat". Viennent ensuite les meilleurs amis de Georges, les intimes, les "copains d'abord", ceux de la jeunesse Henri Delpont, Louis Bestiou, Emile Miramont l'ami "Corne d'auroch" dont il donnera le titre à une chanson, l'abbé Barrès qui fut seul autorisé à prononcer quelques mots sur sa tombe ou Alphose Bonnafé, "le prof" au lycée Paul Valéry.

Enfin, ceux du métier, de Paris, beaucoup moins présents dans le livre, avec en tête Mario Poletti, Marcel Rénot son pote anarchiste, l'écrivain René Fallet ou son impresario jacques Canetti. Reste les deux indispensables et inclassables que sont Pierre Nicolas son ombre portée à la basse et "l'homme à tout faire" Pierre Onteniente, le roc "Gibraltar", d'une fidélité indéfectible depuis leur rencontre à Basdorf.

               
Georges Brassens par Eric Battista            Le parc Brassens

Informations complémentaires

Bibliographie
*
René Iskin, Dans un camp, Basdorf 1943, Georges Brassens et moi avions 22 ans, éd. Didier Carpentier, novembre 2005, isbn 2-841-67365-0

* Jacques Vassal, Brassens, le regard de « Gibraltar », éditions Fayard/Chorus, août 2006, isbn 2-213-62813-0
* Jean-Claude Lamy, Brassens, le mécréant de Dieu, Éditions Albin Michel, 2004

Voir aussi
*
Hervé Bréal, Brassens de A à Z, éd. Albin Michel, 2001, isbn 2-226-11117-4

Liens externes
*
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5 février 2018

Georges Brassens, côté écrivain

Georges Brassens, poète et prosateur

Brassens écrivain, poète, romancier... auteur dramatique...

  En hommage à l'ami Bruno Huyard, fan et interprète de Brassens, trop tôt disparu.

"La tour des miracles", de Georges Brassens (Librio) ©DALMAS/SIPA Brassens et La Tour des miracles

Le Georges Brassens "poète de la chanson", prix Charles Cros et grand prix de l'Académie française, -lui qui n'avait jamais voulu y entrer, malgré l'insistance amicale de Marcel Pagnol et de Joseph Kessel- a d'abord été dans sa jeunesse poète et romancier. [1] Le poète en herbe publiera (à compte d'auteur, avec l'aide financière de JEANNE) un petit recueil intitulé "A la venvole" (autrement dit, À la légère) [2] au style classique et à la teneur assez romantique, au ton volontiers moraliste et sentencieux, malgré l'influence avouée de l'école symboliste, Verlaine par exemple qu'il a ensuite chanté dans sa chanson "Colombine". [3] Il se paiera même le luxe d'en envoyer un exemplaire au maire de Sète, petite revanche sur les "avanies subies" quelques années plus tôt.  [4]

Il dévorait alors tout ce qu'il trouvait -surtout chez les bouquinistes vu ses moyens limités- des poètes connus, François Villon, Charles Baudelaire..., des moins connus comme le poète Charles-Louis Philippe qu'il affectionnait particulièrement ou des anonymes comme Antoine Pol dont il fera de son poème "Les Passantes" l'un des joyaux de son répertoire. [5]

Les Passantes (première strophe) :

Je veux dédier ce poème
À toutes les femmes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets,
À celles qu'on connaît à peine
Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais...

Toujours à cette époque, au début des années 40, il écrivait des textes qu'il mettait en musique à sa façon inimitable de rythmer ses vers, pour disait-il "mieux les retenir", souvent des bluettes qui parlaient d'amour, de petits oiseaux et qu'il a depuis largement reniées, ainsi qu'un second recueil de poésies intitulé " Des coups d'épée dans l'eau" en 1942 préfacé par son ami Émile Miramont, le "Corne d'aurochs" de la chanson, composé dans la même veine que le précédent, qui se termine par cet avertissement sans réplique : « Hommage de l'auteur à ceux qui l'ont compris... et merde aux autres. » L'année passée en Allemagne à Basdorf sera aussi prolifique, il y composera l'hymne du camp, les PAFs (Paix aux Français), « les jeunes philanthropes... venus pour faire la nouvelle Europe... » ou La ligne brisée (chanson à tendance géométrique) qui mettra les chambrées en émoi... [6]

Les événements de la vie quotidienne fournissent au jeune homme matière à épancher ses états d'âme, « Vous souvenez-vous encore de moi ? » en l'honneur de son premier amour "Marie-Josèphe" ou plus tard en 1939 quand "Yvonne" la jeune fille qu'il aime meurt subitement :

Personne ne saura jamais
Pour qui j'ai chanté cette mélodie,
Personne ne saura jamais
A qui mon âme la dédie.

Mais il sera aussi influencé par Charles Trénet et quand ce dernier chante "Swing Troubadour", Brassens écrit en écho "Le bon dieu est swing" : « Le bon dieu, pour obéir à la mode / Le bon dieu fait du swing, / Faire du swing doit être commode / Quand on est le bon dieu. »

Fin 1945, écrit son ami André Larue, [7] Brassens polit et repolit son roman "Lalie Kakamou" et met ses états d'âme en poèmes... Sans doute retrouve-t-on dans ce roman mort-né de Larue L'ascenseur s'arrête au septième des relents de "La tour des miracles". En attendant, ils se toquent tous deux de créer un journal anarchiste Le cri des gueux dont le premier et unique numéro contiendra deux articles de Brassens, l'un sur le vers libre, l'autre dressant un portrait de François Villon. Au cours de l'année 1946, il devient Jo la cédille au journal anarchiste Le libertaire, [8] façon de conjurer le mauvais sort du "Cri des gueux".

Mine de rien, il se perfectionne, peaufine son style -d'où son surnom- très sourcilleux sur une pratique rigoureuse de la syntaxe. Expérience importante où il lie un contenu assez sulfureux où il dénonce les flics, les corps constitués, la société... mâtiné d'une bonne dose d'ironie et de dérision, avec un style sans concession pour les facilités et les à-peu-près. On retrouve ainsi en germe dans cette expérience ce qui fera le sel de la "manière Brassens", ce jeu de cache-cache entre une musique qui se veut assez linéaire pour servir le texte et mieux le mettre en valeur. [9]

Le côté romancier 

Comme prosateur, Brassens a essentiellement écrit deux romans, œuvres picaresques qui tranchent avec un style plutôt classique fleurant bon l'ironie, qu'on peut situer entre le courant surréaliste et le théâtre de l'absurde. Le second de ses romans La tour des miracles a d'ailleurs connu un succès tardif au théâtre, sans doute lié à l'évolution du théâtre contemporain influencé par des auteurs comme Alfred Jarry, plus axé sur la symbolique des situations, lui donnant ainsi une modernité qui eût beaucoup étonné son auteur.

La 1ère édition de Ray Ventura en 1952

La mauvaise réputation est tout à la fois la célèbre chanson qui a largement contribué à son succès à ses tout débuts et un ouvrage en deux parties qui reprend "21 poèmes et chansons" et, ce qui est plus intéressant en l'occurrence, une longue pièce en vers dans une forme assez classique, "à la manière d'Homère ou de Virgile" écrira un critique, qu'il commence en juin 1948 et termine en novembre 1949, intitulée Les amoureux qui écrivent sur l'eau avec une préface de Bernard Marcadé. Ce live paru en 1952 aux éditions Ray Ventura, a connu plusieurs rééditions chez Denoël en 1954, puis en 1957 (223 pages) 1969, 1983, Folio en 1986 avec une préface de René Fallet, Flammarion en 1989. Une version brochée sous couverture illustré, n.p. (64 pp.), (29,5 x 21 cm.) est parue en 1992 aux éditions de la Différence avec 14 reproductions en couleurs illustrées par Robert Combas et des photographies en noir et blanc de Georges Brassens et de Robert Combas à Sète.

Il persévère encore dans son idée de devenir écrivain, compose d'autres poèmes à l'époque de la Libération comme "Prière à Satan" ou "La camarde", intégrés dans un recueil de poèmes inédit "Le Taureau par les cornes" et finit par publier -toujours à compte d'auteur- "Lalie Kakamou" sous le titre La lune écoute aux portes [10] en 1947 sous le sceau de la NRF, une fausse édition de Gallimard, joli bras d'honneur aux caciques de l'édition, mais le célèbre éditeur ne daignera jamais répondre à la provocation d'un croquant inconnu. Anarchie oblige.

                              
La lune écoute aux portes -
La mauvaise réputation de Robert Combas

     
Les amoureux qui écrivent sur l'eau de Pierre Cadiou

Dans ce premier roman aux multiples rebondissements, Brassens compose un court texte (il a largement élagué) à l’humeur notoirement surréaliste, en onze chapitres, autant de petites scènes en prise avec la réalité de l’existence et celle d’un quartier parisien, centrées sur la vie d’un immeuble, un peu à la manière d’un "Pot bouille". Si le succès bouda le Brassens écrivain, c'est que, conclut André Larue, « la qualité de la forme donne à sa page le ton d'un exercice... un texte devient vite précieux et ennuyeux à force de rigueur. » [11]

De son second roman écrit en 1950 et publié en 1954, Brassens dira « Moi, je m'en fous. Vous savez, on m'a beaucoup sollicité pour publier "La Tour". Des copains l'appréciaient. Des gens qui m'aiment bien se pourléchaient à l'idée d'avoir ça un jour dans leur bibliothèque. Alors, pour avoir la paix, j'ai dit oui, comme d'habitude. » Cette tour bizarre et son dédale d'étages biscornus sinuant au gré du vent, est en fait le symbole d'un "choix d'importance" aurait dit Brassens : « Où vivre ? Dans la grisaille de la misère et du quotidien ou dans le délire du rêve et de l'imaginaire ? » commente Jean-Paul Liégeois, le metteur en scène de l'adaptation théâtrale du roman; « La truculence rabelaisienne de Brassens m'a semblé formidablement théâtrale, » a-t-il ajouté. Composé de dialogues souvent surréalistes, de saynettes comiques et de figures vraiment typiques, le roman permet de retrouver le Brassens blagueur faisant des farces à ses amis ou se délectant à écrire ses chansons les plus lestes.
C'était aussi pour lui l'occasion d'écrire un texte aux accents surréalistes dans un style classique, un "roman libertaire" en quelque sorte.

Stéphane Ropa (La lune écoute aux portes) Le Funambule Montmartre Affiche Stéphane Ropa : spectacle La lune écoute aux portes

Prolonger cette présentation, c'est repartir des textes de Brassens tel que cet ouvrage qui réunit ses écrits anarchistes Les chemins qui ne mènent pas à Rome, clin d'œil à un vers de La mauvaise réputation, réflexions et maximes d'un libertaire, condensé de ses thèmes favoris comme la dénonciation de l'hypocrisie, de la guerre, l'apologie de la liberté, ses têtes de turc préférées, le fric et les flics, les bourgeois, la bêtise et la mesquinerie, les curés et la religion comme autant d'opiums du peuple. Simplement dans ses chansons, il le fera sur un mode plus léger mêlé de pointes d'humour ironiques, de façon détournée. [12]

On peut aussi mieux cerner le personnage qui s'effaçait derrière ses chansons [13] en entrant dans la relation, le colloque singulier et épistolaire qu'il noua pendant quelque cinq années avec son ami le philosophe Roger Toussenot. [14] Si la marque d'amitié « Tu es l'ami du meilleur de moi-même» reste la plus connue -la plus citée en tout cas- il en existe bien d'autres à travers ces lettres d'autant plus touchantes qu'elles n'étaient bien sûr pas destinées à être publiées et qu'elles évoquent la vie quotidienne de Brassens aux premiers temps de l'impasse Florimont, comme ce bel ace de foi d'amitié : « en regrettant ton absence physique, je ne t'envoie pas notre amitié puisqu'elle réside chez toi...»

Brassens toussenot.jpg       Brassens homme libre vassal.jpg    Rochard les mots de Brassens.jpg    Brassens intime.jpg
Lettres à Toussenot   Livres de Jacques Vassal, Loïc Rochard et Pierre Cordier

Brassens en prose et en vers : récapitulatif

- "Les couleurs vagues" : son premier recueil (Te rappelles-tu l’automne …), Librio, février 2010
- "Des coups d’épée dans l’eau" : également inédit (Passe-temps… ), 1942
- "À la venvole" : publié à compte d’auteur (Solidarité… ), Albert Messein éditeur, Paris, 1942
- "Le Taureau par les cornes", recueil de poèmes inédit
- "La lune écoute aux portes", roman, pseudo-édition Gallimard, Bibliothèque du Lève-nez, Paris, 1947
- "La Tour des miracles", roman, Jeunes Auteurs Réunis, juin 1953, réédition chez Librio en janvier 2010, Librio Littétature n° 952, isbn 2290021695
- "La Mauvaise Réputation" : ensemble de chansons, poèmes inédits, (le chœur des jeunes amoureux, le nain…) et une pièce en vers intitulée "Les Amoureux qui écrivent sur l’eau", préface de René Fallet, Éditions Denoël, 1954, pièce poétique de 120 pages écrite entre juin 1948 et novembre 1949.

- "Poèmes retrouvés" : on range sous cette appellation des poèmes anciens de Brassens dispersés à la SACEM ou chez des amis. (Les enfants qui chapardent des crânes terreux...)
- Pierre Cadiou : 12 lithographies de La Tour des miracles et 12 lithographies de Les amoureux qui écrivent sur l'eau, éditions du Grésivaudan, 1981

- "Les Manuscrits de Brassens" - Chansons, brouillons et inédits, édition d'Alain Poulanges et André Tillieu (3 cahiers de manuscrits en fac-similés réunis en coffret), Textuel/France Bleu, 2001
- "Brassens - Lettres à Toussenot", 1946-1950 - Recueil composé par Janine Marc-Pezet, lettres écrites à son ami, le philosophe Roger Toussenot, Textuel/France Bleu, 240 pages, septembre 2001
- Georges Brassens, "Les chemins qui ne mènent pas à Rome", Réflexions et maximes d'un libertaire, éditions Le Cherche midi, janvier 2008, isbn 2749111420

Brassens mag.jpg       Brassens libertaire.jpg                       
Brassens en couverture & lisant Le Libertaire        "Les couleurs vagues"

Ses deux romans et sa pièce
- La lune écoute aux portes : publié en 1947 sous une fausse édition Gallimard

Le début : Quand nous avions de bois pour assurer la cuisson des gigots d’huissiers que l’administration des Finances avec son opiniâtreté bien connue nous députait mathématiquement, Angèle Vannier s’armait d’une petite hache et coupait des morceaux de portes des voisins…

- La tour des miracles : publié en 1954 par les éditions Jeunes auteurs réunis et réédité en 1968 par Stock.

Exemple : C’était à la femme de Corne d’auroch qu’incombait le soin de châtier ceux d’entre nous coupables d’un méfait quelconque… Elle se saisissait du délinquant… et après lui avoir enfoncé sa culotte dans la gorge… elle lui appliquait la peine dite « du croupion » […] Pas un seul membre de la Camorra qui eût échappé à la fureur de sa croupe de choc ! Il y a de l’hécatombe dans l’air. 

- Les amoureux qui écrivent sur l'eau, 1948-49, publié en 1952, petit extrait :                  

La prétendue voix de Villon :
La mirifique repue franche !

La mirifique repue franche !

Huon de la Saône (Rongeant des pieds de porc) :
Oyez cette voix caverneuse,

C’est celle de François Villon !
Le pauvre escholier
S’est reveillé
Dans son sollier.
Il nous stimule, il nous protège.
Bon saint François, veillez sur nous.
A moi ce tonnelet de Saint-Estèphe !
Mangeons tout, mangeons tout sauf les enfants
Et buvons tout sauf l’eau !

La nymphe de la mer Baltique :
La mirifique repue franche,

Ils engloutirent tout à bouche-que-veux-tu.
Il ne restait pas même un brin de feuille aux branches
Quand ils s’en revinrent chez eux,
Arrondis comme des poussahs,
Repus jusqu’aux calendes grecques,
Mais tous les yeux étaient pochés ! ....

Notes et références

  1. Voir le livre-album d'André Larue "Brassens, une vie", éditions IGE/Michel Lafon, décembre 1982
  2.  À la venvole (recueil de poèmes), Albert Messein éditeur, Paris, 1942
  3.  Colombine, ce poème de Verlaine que Brassens a mis en musique, est composé d'une alternance régulière de vers de 5, 5 et 2 syllabes. C'est la structure métrique que Brassens adoptera pour une autre chanson Le Vin.
  4.  Voir aussi dans la même veine, "Les Couleurs vagues", recueil de poèmes, édité dans une revue de "Roger Thérond" en 1941-1942, réédité chez Librio en février 2010, "LibrioPoésie n°953", isbn 2290021709
  5.  On retrouve le même thème dans un poème de 1941-42 "Qu'est-elle devenue" composé en l'honneur d'une passante, une polonaise entrevue dans une rue de Paris.
  6.  On trouvera les paroles de ces chansons dans le livre d'André Larue aux pages 25-27 et 31
  7.  André Larue, "Brassens ou la mauvaise herbe", page 132
  8.  Voir sur ce sujet l'excellent livre de Marc Wilmet intitulé "Brassens libertaire : la chanterelle et le bourdon", éditions Éden, isbn 978-2-8059-0060-0 ainsi que ma fiche intitulée "Brassens libertaire"
  9.  Voir l'importante étude, objet d'une thèse, de Linda Hantrais, "Le Vocabulaire de Georges Brassens", 2 volumes, éditions Klincksieck, 1976, ainsi que mes fiches sur les livres de Loïc Rochard : Brassens - Sans technique un don n'est rien..., Brassens par Brassens et Les Mots de Brassens
  10.  La lune écoute aux portes, pseudo-édition Gallimard, Bibliothèque du Lève-nez, Paris, 1947
  11.  André Larue, "Brassens ou la mauvaise herbe", page 236
  12.  Voir les deux livres de Clémentine Deroudille, commissaire de l'exposition sur Georges Brassens à la cité de la musique en 2011, l'album "Georges Brassens ou la liberté", illustré par Joann Sfar et paru chez Dargaud en mars 2011 (330 pages, isbn 2-2050-6697-5) et "Brassens le libertaire de la chanson" paru chez Décuvertes/Gallimard en mars 2011 (128 pages, isbn 2-0704-4243-8)
  13.  Sur sa timidité naturelle et sa répulsion à parler de lui, à se mettre en avant, voir le livre d'interviews de son ami André Sève "Toute une vie pour la chanson"
  14.  Voir références dans la bibliographie

Liens externes
Les romans de Brassens -- Georges-Brassens, anthologie --

* Georges Brassens, œuvres complètes, sommaire

* Brassens et Victor Laville

 

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